
Première chose à savoir par rapport à ce roman, il n'est pas nécessaire que vous connaissiez l'histoire de l'Espagne pour le comprendre. En fait, il a été écrit en 1944 par une jeune femme de 23 ans, donc en plein régime franquiste. Vous vous imaginez donc que l'auteur ne pouvait ni dénoncer la guerre civile de manière ouverte, ni dénoncer le régime en cours. Alors oui, il y a des références qui y sont faites, par rapport aux pénuries d'aliments, à la misère... mais rien n'est mentionné de manière subjective, ni claire.
En bref, il n'y a pas un énorme contenu historique, le lecteur pressent, c'est tout. La narration se centre plutôt sur le ressenti des personnages. Sur le ressenti de la jeune Andréa qui croit devenir folle au milieu des êtres torturés de la rue Aribau.
Au fil de la narration, le lecteur se sentira mûrir aux côtés de l'héroïne, chacun y retrouvera une partie de son histoire, de son enfance, et vibrera avec elle. J'avoue que je suis passée de l'incrédulité au rire et à la mélancolie. C'est un beau roman, sans vraiment d'action, certes, mais ça se lit bien, et assez vite.
C'est une tranche de vie agréable à lire, même si sans suspense. Le relief n'est pas donné par une accumulation d'actions, mais plutôt par une accumulation de sentiments, d'antagonismes, de joie, de peur, de haine, de douleur. En bref, c'est un roman assez psychologique, il faut aimer le genre, ce qui est mon cas lorsque l'histoire est bien menée, et celle-ci l'est.
Ce roman permet d'apercevoir beaucoup des grandes caractéristiques de la littérature espagnole de l'après-guerre, néanmoins il est encore assez hésitant, parfois brouillon, dû sûrement à la jeunesse de son auteur à l'époque où il a été rédigé, on sent son hésitation, son manque de maturité en temps qu'écrivain, mais comme jeune femme, comme observatrice, Carmen Laforet est d'une maturité inouïe.
J'ai beaucoup aimé Nada -que j'ai lu en espagnol mais dont il existe une traduction en français disponible chez n'importe quel libraire- car malgré la maladresse de Carmen Laforet à certains moments, c'était très beau, avec une vision très pure. Car le point de vue est celui d'Andrea. Au final on ne saura que peu de choses d'elle, elle nous dépeindra plutôt la vie de ses oncles et tantes brisés par la guerre. Et c'est, je pense, le but de l'auteur. Montrer cela de la manière la plus complète possible, avec souvent un peu d'incompréhension de la part de la jeune héroïne, de la haine, mais surtout beaucoup de tendresse. Sur bien des aspects, plutôt psychologiques que narratifs, Nada m'a rappelé Les Hauts de Hurlevent d'Emilie Bronte car j'ai retrouvé un peu de Heathcliff en Román, l'oncle diabolique.
En bref, c'est un roman que je ne conseille pas à tous. Je pense qu'il faut réellement aimer le genre pour l'apprécier, ou être très attiré par cette époque, par la littérature espagnole ou le résumé. Ne vous attendez pas à une histoire d'amour. Ni à un roman historique. Pas même à l'histoire d'une jeune fille dans la tourmente. Non. Nada est une histoire sombre. L'histoire d'êtres violents, parfois fous, et sombres. Terriblement sombres. C'est une histoire de survie, la survie d'une jeune fille, d'abord passive, qui prendra conscience que la vie mérite d'être vécue à fond.
ReadandWatchView, Posté le vendredi 19 juin 2015 12:36
ça tombe bien j'adore ce genre de bouquin ^^